C’est une partie de l’histoire de la France et de l’Angleterre que nous raconte le château Gaillard. Il est un véritable symbole d’un passé incroyable et de récits romanesques se confondant avec la grande Histoire. Ici, je vous raconte le passé du Château Gaillard, qui est un passage touristique obligatoire aux Andelys. Cette forteresse miliaire du XIIe siècle est en ruine, mais elle mérite qu’on s’y attarde quelques heures.
Les premières pierres
À la fin du XIIe siècle, la France est en guerre de territoire avec nos cousins anglais. À cette époque-là, Le Duc de Normandie est le roi d’Angleterre. Il s’agit de Richard Ier plus connu sous le nom de Richard Cœur-de-Lyon, surnom qu’il gagna lors des croisades grâce à la bravoure dont il fut preuve.
800 ans plus tard, le château Gaillard nous raconte une partie du caractère de ce roi devenu légende. Le château médiéval, même aujourd’hui très défraîchi, renvoie une impression de puissance, de solidité, voir même d’invincibilité, des traits de caractère qu’on attribuait aussi à Richard Cœur-de-Lyon. Cela dit, la forteresse qu’on pensait imprenable, n’a finalement connu qu’une vie relativement brève, tout comme le roi d’Angleterre qui aura finalement fini par périr après un combat.
Une seule année de construction
Le roi Anglais règne sur la Normandie, mais en face de lui, le roi de France Philippe-Auguste renforce ses troupes pour récupérer ce petit bout de France qui ne l’est plus vraiment à cette période de l’histoire. Richard Ier décide alors de bâtir une forteresse qui devra être un verrou qui empêchera le roi de France de revenir sur les terres normandes.
Il réunit alors plus de 6000 ouvriers pour débuter les travaux en 1197. Un peu plus loin, à la même époque, les Français bâtissent à quelques kilomètres de là, le château de Gaillon. La construction du château Gaillard ne dure qu’une année seulement. C’est un véritable exploit, et Richard Cœur-de-Lyon a investi une somme énorme pour parvenir rapidement à ses fins. La dernière pierre posée, il s’exclame alors « Qu’elle est belle, ma fille d’un an ! Que voilà un château gaillard ! ».
Et c’est vrai que la bastille est particulièrement impressionnante. Elle semble lourde et indestructible, mais elle est finalement très loin d’être imprenable… Sa position a été choisie par le roi Anglais, Aux Andelys, pour surplomber la vallée de la Seine. Le château est placé dans une zone où le fleuve se resserre et fait une boucle, en face d’une presqu’île, sur une falaise d’un peu moins de 100 m de haut.
Le but pour le roi anglais est de ne laisser qu’une zone d’accès au château, depuis le plateau à l’opposé du fleuve. C’est une langue de terre relativement étroite qui monte jusqu’à la forteresse, ce devrait être plus simple à défendre.
Des fortifications étonnantes
En face du plateau, une structure avancée de forme triangulaire fait office de première défense. Il y a tours d’où pourront tirer des archers, et un fossé tout autour de 12 m de profondeur. Lorsque l’ennemi sera aux portes de la bastille, il aura fort à faire pour passer cette muraille. Même s’il passe cette première défense, il se retrouve exposé, dans la basse-cour du château, elle aussi protégé d’une deuxième enceinte de tours, et d’un autre fossé.
Cette seconde enceinte est particulièrement originale. Au lieu de bâtir des murs lisses comme sur les châteaux médiévaux de l’époque, Richard Cœur-de-Lyon souhaitent un mur extérieur festonné. C’est donc un rempart qui se compose de 19 arcs de cercle. Le but de cette architecture est de permettre aux gros projectiles de rouler sur la structure plutôt que de la heurter de plein fouet.
Il y a également des meurtrières, qui profitent de ces courbures pour tirer sur les assaillants, avec le moins d’angles morts possible. Ce type d’architecture était complètement nouveau en France au 12e siècle.
Une unique porte est présente dans l’enceinte festonnée. Elle se trouve sur un côté, et les assaillants vont devoir longer toute une partie de la muraille pour se retrouver devant, laissant le temps aux défenseurs de leur jeter des pierres, de décocher des carreaux ou de verser quelques huiles brûlantes. Il y a un pont protégé par une herse, qui permet de rejoindre, difficilement, la porte.
Enfin, à l’intérieur de l’enceinte se trouve le donjon, qui surplombe tout. Ses murs font 5 mètres d’épaisseur et il y a des mâchicoulis inspirés des châteaux orientaux, sur tout le tour du donjon, pour laisser tomber des projectiles facilement sur les ennemis qui seraient parvenus jusque-là.
La mort de Cœur-de-Lyon
Richard Ier décide d’attaquer le château de Châlus à proximité de Limoges. L’histoire officieuse raconte que le vassal du roi ne voulait pas lui donner un bas-relief tout en or que ce dernier avait trouvé sur les terres de ce dernier. Pendant la bataille, Richard Cœur-de-Lyon est touché par une flèche qui le frappe en pleine épaule. Il faudra près de deux semaines pour que le roi rende sont dernier souffle, le 6 avril 1199.
Son frère prend sa succession. Il s’agit de Jean sans terre, qui est clairement moins intrépide que son frère aîné, et décide de signer un traité avec Philippe-Auguste. Il se reconnaît alors vassal du roi de France, pour tous les territoires en dehors de l’Angleterre. Le Roi de France sait qu’il pourra ainsi récupérer les terres du vassal, si ce dernier ne respecte pas les lois. Très vite, en 1202, Jean sans terre est condamné par contumace à la confiscation des terres, pour désobéissance au roi. La sentence va être appliquée, et Philippe Auguste va vouloir reconquérir les terres normandes.
L’attaque du château Gaillard
L’armée du roi de France est puissante à ce moment-là et les troupes anglaises peu nombreuses. S’emparer des positions avancées du château Gaillard ne prend que quelques jours. Les défenseurs et les habitants du bourg se réfugient dans le château, espérant que la forteresse soit vraiment imprenable.
Le roi Philippe-Auguste estime qu’un assaut est très compliqué, et il décide alors de faire le siège. Les troupes encerclent le château, et Jean sans Terre, alors à Rouen, préfère ne pas réagir et n’enverra pas de troupe pour défendre le château Gaillard.
C’est le gouverneur Roger de Lascy qui est responsable du château à ce moment-là. Il estime avoir suffisamment de vivres pour résister à 1 an de siège, mais il ne peut pas garder l’ensemble des habitants du bourg qui s’est entassé à l’intérieur de l’enceinte. Les soldats français vont laisser fuir environ 1000 personnes, ce qui ne plaît pas à Philippe-Auguste. Les suivants sont immédiatement abattus, et plus personne ne peut donc sortir.
Le gouverneur de Lascy n’est pas plus compréhensif, et laisse les réfugiés livrés à eux même, entre les deux camps. Ils finiront tous par mourir de faim ou de froid. On parle de l’épisode des « bouches inutiles », qui est évidemment un évènement marquant de ce siège.
L’attaque du bastion
Au bout de 7 mois, Philippe-Auguste perd patience. Une chaussée couverte est construite pour accéder au premier fossé en étant abrité. Cela permet de combler ce fossé et d’être au pied de la première enceinte. Toujours protégés, les soldats laminent la base du mur pour créer une brèche. Lorsque le trou est suffisamment grand, ils mettent le feu à l’intérieur, ce qui permet progressivement de fissurer les pierres surchauffées. Une partie d’une des tours s’effondre alors, poussant les défenseurs à se réfugier derrière la première enceinte.
La première enceinte tombe facilement
D’après ce qu’on sait, les Français ont découvert une petite fenêtre à quelques mètres de haut. C’est celle des latrines, sur le côté du bâtiment, et elle n’est pas protégée. Quelques soldats français entrent et sont repérés assez vite à cause du bruit qu’ils font. Les Normands, pour bloquer leur progression, allument un feu afin d’enfumer leurs ennemis. Mal chance, ou mauvais calcul, le vent pousse la fumée vers les Anglais, qui doivent fuir vers la deuxième enceinte.
Certains historiens, pensent plutôt que les Français sont entrés par la chapelle qui était mal protégée, mais que les hommes du roi de France ont inventé l’histoire des latrines pour ne pas avouer qu’ils avaient profané un lieu saint.
La seconde enceinte tombe aussi
Le jour même, Philippe-Auguste décide de bombarder le second rempart avec ses catapultes. Une brèche se créait rapidement. Les soldats anglais n’ont plus le temps de courir se mettre à l’abri dans le donjon, et les Français sont trop nombreux. La cour intérieure est prise, et Roger de Lascy ainsi que 129 de ses chevaliers finissent par se rendre. Jean sans Terre parviendra à les faire libérer quelques semaines plus tard contre une rançon.
Fort de cette victoire, le roi de France Philippe Auguste pour récupérer l’ensemble des terres contrôlées par les Anglais, qui s’étendent jusqu’au sud, dans les Pyrénées. En 1204, la Normandie est de nouveau française.
Le château Gaillard sera réparé, puis il verra d’autres batailles, notamment pendant la guerre de Cents ans. Il va passer à plusieurs reprises des Français aux Anglais, puis des Anglais aux Français, avant que Henry IV au 16e siècle décide de le détruire en partie.
Aujourd’hui, ce symbole d’un temps révolu possède une aura assez incomparable. Les touristes sont nombreux à le visiter chaque année, aussi bien pour ses vielles pierres que pour sa flore étonnante. Des plantes rapportées de Palestine par les croisés poussent encore et se sont même très bien acclimatées au fil des siècles.
Visiter le château Gaillard
Prix d’entrée 3,50 € pour les adultes, 3 € pour les enfants, les étudiants, les demandeurs d’emplois, les familles nombreuses, les plus de 60 ans et les personnes en situation de handicap. Le château est gratuit pour les enfants de moins de 7 ans.
Il faut ajouter 1 € de plus par personne pour la visite guidée, qui dure une heure. Vous devez réserver préalablement par téléphone pour une visite guidée.
Le paysage est magnifique, tout est adapté aux enfants, et vous pourrez ensuite les emmener au parc Tolysland pour s’amuser et se dépenser, ailleurs que dans une forteresse militaire chargée d’histoire.